
Je déclare vivre de mon art
Musée Jean-Honoré Fragonard
Énigmatiques, aussi brillantes que secrètes, les sœurs Lemoine et leur cousine, Jeanne Élisabeth Gabiou, marquèrent de leur empreinte l’histoire du portrait français au tournant des XVIIIe & XIXe siècles. Le musée Jean-Honoré Fragonard, qui abrite la plus grande collection de tableaux d’une femme artiste du XVIIIe siècle, leur contemporaine Marguerite Gérard, invite cet été le public à découvrir une fratrie hors du commun dont le parcours est aussi riche que leurs créations. Faisant fi des conventions, elles formèrent un panel d’exception dont les réussites artistiques rejaillirent sur le reste de la famille, bien décidée à gravir les échelons sociaux. Si leur trajectoire quelque peu romanesque offre un éclairage original sur leur époque, l’étude de leurs carrières fait aussi voler en éclats nombre de préjugés sur les femmes artistes de la période révolutionnaire.
Le parcours personnel de ces filles de maîtres perruquiers parisiens est en effet digne d’un conte de leur amie Félicité de Genlis. Alors que leurs propres parents, venus de la campagne, s’étaient fait une place dans la bourgeoisie commerçante parisienne, les quatre sœurs Lemoine, Marie-Victoire, Marie-Élisabeth, Marie-Geneviève et Marie-Denise, grandirent au cœur du quartier du Palais-Royal, rue
Traversière, actuelle rue Molière. Elles furent vite rejointes par leurs cousins orphelins Jean-Frédéric, Louis Joseph et Jeanne Élisabeth Gabiou qui avaient vécu jusqu’alors rive gauche, rue du Bac.