L’ange de Diên Biên Phu
mai 31, 2024 | by Jean-Claude JUNIN
L’ange de Diên Biên Phu
Geneviève de Galard est décédée ce jeudi à 99 ans
La photo de son retour de Diên Biên Phu, en Indochine, avait fait le tour du monde. Tout juste sortie de l’enfer, le 5 juin 1954, Geneviève de Galard, 29 ans, fait la une de Paris Match, habillée d’une combinaison verte de parachutiste. L’hebdomadaire titre La France accueille l’héroïne de Diên Biên Phu. Surnommée « l’ange de Diên Biên Phu »
Elle fut la seule femme présente dans l'enfer de Diên Biên Phù, qui tourna au fiasco pour l'armée française face au Viêt-Minh communiste, devenant un cimetière à ciel ouvert pour 3.400 de ses soldats. Née à Paris le 13 avril 1925, Geneviève de Galard-Terraube a grandi dans une vieille famille aristocratique. Un aïeul aurait combattu avec Jeanne d’Arc. Elle perd à neuf ans son père, officier. Un deuil douloureux, qui la rend très sensible à la souffrance d’autrui. Devenue infirmière, elle a déjà géré des situations difficiles en Afrique quand elle signe en 1953 un contrat de convoyeuse de l’air et se porte volontaire pour l’Indochine. Elle accompagne dans les Dakota médicalisés les blessés depuis Diên Biên Phu mais, avec les bombardements incessants, les évacuations deviennent très difficiles…
L’un des avions d’évacuation sanitaire qu'elle convoyait fut détruit par des tirs en atterrissant à Diên Biên Phu le 28 mars 1954. Armée d’une simple trousse de premiers secours et de sa foi indéfectible, elle officie à l’antenne chirurgicale. Elle refait des pansements à la lumière de lampes de poche, administre des piqûres au Phénergan, réconforte les blessés, des hommes souvent plus jeunes qu’elle au regard « d’enfants égarés ». Durant deux mois, elle demeura sur place, "seule infirmière dans cette nasse tropicale où quinze mille hommes luttaient et mouraient», « Quand vous descendez dans mon abri, mon moral remonte de 100 % », lui murmure l’un. « Quand ce sera fini, Geneviève, je vous emmènerai danser », lui promet un légionnaire, amputé des deux bras et d’une jambe. « Le bruit des bombardements était infernal et, lors de l’accalmie du matin, on savait que d’autres brancards allaient nous arriver », raconte-t-elle en 2014 à l’AFP. Parfois, il n’y a plus rien à faire. Certains meurent dans ses bras.
La cuvette de Diên Biên Phù devient "l'épicentre du conflit, plaine cernée par la jungle et les troupes ennemies, huis-clos de l’histoire sans autre issue qu’une défaite de plus en plus inéluctable », Lorsque Diên Bien Phu tomba, en mai 1954, les 12.000 soldats français survivants furent faits prisonniers, et Geneviève de Galard rapatriée en France contre sa volonté…
De retour en France, elle se retrouve brusquement confrontée à une immense popularité. « Que je n’avais jamais ni voulue, ni recherchée. Je n’avais fait que mon devoir ».
Conviée par le Congrès américain – « la première invitation de ce genre depuis Lafayette », s’enorgueillissait son mari Jean de Heaulme, officier épousé en 1956 – elle est accueillie comme un chef d’État et décorée à la Maison Blanche de la Médaille de la Liberté, plus haute distinction pour un étranger. Surnommée « L’Ange de Diên Biên Phu » par la presse, elle parcourt le pays pendant trois semaines et descend Broadway sous les confettis devant 250 000 New-Yorkais. « J’ai alors eu l’impression d’être tout à la fois actrice et spectatrice ». Fuyant les honneurs, elle repart vite en mission et retombe dans un relatif anonymat qui lui convient très bien…
Des années plus tard, Geneviève de Galard n’avait rien oublié de ce printemps 1954 où l’artillerie Viêt-minh pilonne sans relâche le camp retranché : le bruit « d’enfer » des tirs, la puanteur et la chaleur étouffante de ces boyaux de terre, les noms de ses « chers » blessés…
« Au milieu de cette défaite collective, il y a eu Geneviève de Galard », résumait en juin 2022 sur France Inter Marie-Laure Buisson, qui a consacré un chapitre de son livre Femmes combattantes à l’infirmière. « C’est une très grande héroïne »…
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