Portrait : Le Suffren de Saint-Tropez, entre gloire et singularité
janvier 27, 2021 | by Alex PITTAVINO
« Oh ! pourquoi cet homme n’a-t-il pas vécu jusqu’à moi, ou pourquoi n’en ai-je pas trouvé un de sa trempe. J’ai passé tout mon temps à chercher l’homme de la marine sans avoir pu le rencontrer… » s’exclamait Napoléon Bonaparte à l’époque. Témoin du respect et du crédit accordé à Pierre André de Suffren, dit le « Suffren de Saint-Tropez ». Vice-Amiral français, bailli et commandeur de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, la réputation et vie du plus célèbre Corsaire français parle pour lui. Né le 17 juillet 1729, le douzième enfant d’une fratrie en comptant quatorze, ne va grandir qu’avec son cadet et son aînée. Très tôt, ils intègrent l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Alors âgé d’à peine plus de 14 ans, il est formé au collège de Toulon afin de rentrer dans la marine. Un choix anodin qui va entrainer de grandes conséquences et bousculer le destin de notre tendre France. Pierre-André de Suffren, le Provençal, s’apprête à défier le monde en mer.
Adulé par ses pairs à l’étranger
Après avoir traversé trois importantes guerres navales, opposant toujours les armées franco-anglaises, il termine à l’un des plus hauts rangs de l’armée navale, vice-Amiral. Si ses deux premières batailles navales lui permettent de gravir les échelons, la troisième lui octroie la gloire et la certitude de ne jamais être oublié. De son vivant déjà, il est remarqué par les officiers anglais qui le surnomment « l’amiral Satan ». Clerk of Eldin, penseur naval britannique de la fin du XVIIIe siècle, vante « son mérite, sa bravoure et ses talents militaires. ». Plus récemment, l’amiral américain King, en 1942, alors à la tête d’une des plus importantes flottes navales de l’histoire, le classe parmi les cinq plus fameux amiraux du passé. « Il possédait l’art de tirer le meilleur parti des moyens disponibles accompagné d’un instinct de l’offensive et de la volonté de la mener à bien » aurait déclaré l’amiral. Également nommé comme « l’un des trois noms immortels qui jalonnent la marine à voile », son crédit, en France, est plus mis à mal.
Un avis moins unanime à l’intérieur de ses propres terres
« Ses actions, tous bilans faits, restent d’une grande banalité et sont très décevantes. » Le ton est donné. L’amiral François Caron, en 1996, ne mâche pas ses mots concernant le Corsaire de Saint-Tropez. Selon ce dernier, qui a étudié les campagnes du bailli, l’engouement autour du personnage était injustifié et ses résultats encore plus. Notamment en ce qui concerne la campagne en Inde. Même si ses équipages vantent ses mérites, autant en termes de qualité de vie que dans son lit, son style débraillé et son langage familier ponctué d’un accent provençal dérange en France. Suffren a du mal à trouver sa place chez les « Rouges », comme on surnomme à cette époque les officiers supérieurs. Certains sont choqués par les très voyantes mœurs pédérastiques de Suffren. Le portrait est donc très contrasté. Suffren est une personnalité complexe qui assemble les plus vives qualités aux défauts les plus caricaturaux.
Une mort soudaine mais un témoignage immortel
Nous sommes en 1788. Suffren reste en région parisienne à la suite des nombreux agissements que connaît la France. Désormais très hauts gradés, il suit attentivement les évènements. Sa position d’ambassadeur et l’accès régulier qu’il a auprès de plusieurs ministres, notamment ceux de la marine et des Affaires étrangères, en font un observateur privilégié des crises successives. Des crises qui iront jusqu’à emporter la Monarchie absolue mais également la santé de ce dernier. À la même époque, « l’amiral Satan » reste fragile et souffrant à la suite de plusieurs problèmes ces dernières années. Même si dans un premier temps, à l’automne 1788, sa santé semble s’améliorer, elle va basculer. Le 4 décembre 1788 Suffren se rend à Versailles pour assister à une réunion. Comme à son habitude, il rend visite à la sœur du roi, avec qui il est assez proche. Madame Victoire appelle son médecin pour une consultation car cette dernière trouve Suffren souffrant. À la suite d’une saignée, il tombe en agonie. Tout en restant inconscient, il est transféré à son domicile parisien dans lequel il va rester inconscient plusieurs jours. Il décède le 8 décembre, entouré de quelques proches. Son nom a depuis été donné à huit navires de la marine française. Preuve de sa force et marque éternelle laissée en France.
Crédit Photo : Wikipédia, Mairie de Siant-Tropez
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