Portrait : Marguerite Burnat-Provins, itinéraire d’une rebelle artistique
février 3, 2021 | by Alex PITTAVINO
« J’estime que l’art et la vie, inséparables, sont une route droite au milieu de laquelle il faut marcher en oubliant les susceptibilités, les intérêts ou les servitudes » déclarait Marguerite Burnat-Provins. Témoin de la singularité mais aussi de la force de caractère de la jeune femme, surtout à son époque (début du XXème siècle). Avant-gardiste, elle s’émancipe de la société et du « rôle de femme » définit à l’époque. Fille d’une famille aisée, elle finit ses études d’art à Paris avant de partir en Suisse épouser l’architecte Adolphe Burnat. C’est le début d’un long séjour de plus de 10 ans en Suisse romande. Très vite, Marguerite Burnat-Provins a piétiné les normes de son entourage bourgeois. Dès sa première année, elle ne se sent pas à sa place. Livrée a elle-même, elle souffre de la différence de milieu, mais aussi d’état d’esprit, avec sa belle-famille. Son beau-père surveille ses allers-venues et les dames de la famille ne voient pas d'un bon œil son indépendance et son besoin d'activité culturelle. Pour tromper l’ennui, elle se lance dans des leçons de dessin mais également d’écriture et d’illustrateur pour plusieurs journaux locaux. Burnat-Provins n’hésite pas à voyager. Allemagne, France, Belgique ou encore Hollande, sa soif d’apprendre est intarissable. Malgré un premier déménagement en 1901 pour s’éloigner de la belle famille, elle quitte Adolphe, son mari, pour le canton du Valais.
Les voyages comme muse
Un départ tout sauf anodin puisque la jeune femme de 35 ans se remarie avec Paul de Kalbermatten, un ingénieur Valaisan. Une séparation qui fait du bruit dans la haute société. Paul est plus jeune et pire encore, la jeune femme originaire d’Arras fait étalage publiquement de ses émois érotiques dans des textes flamboyants : « Le Livre pour toi. » Toujours assoiffée de découverte, elle parcourt l’Orient. Syrie, Liban et surtout le Maroc marqueront la femme libre. Elle se sert de ces pays comme des puits de savoir et d’imagination à ses rêves exotiques et œuvres d’une beauté aussi étrange qu’indescriptible. Après avoir mis pied à terre à Grasse, au « Clos des Pins », les nombreuses œuvres de Marguerite ont gagné en valeur. Son œuvre d'écrivaine est forte d'une vingtaine de volumes de proses poétiques, tandis que son œuvre de peintre comporte de nombreux tableaux. Cependant, sa plus belle réussite, pour beaucoup, vu le jour en 1914. Burnat-Provins réalise plus de 3 000 dessins nés d’hallucinations récurrentes. Nommé « Ma Ville », ce véritable répertoire de personnages fascine par la virtuosité du trait mais aussi sa fantaisie. Plus de 3 000 êtres fantasmés sont dessinés : hommes, femmes, hybride ou encore animaux personnifiés. Un chef-d’œuvre incomparable et inimitable.
Son impact intergénérationnel
Militante, artiste, peintre, dessinatrice « hallucinée », on peut se demander quel est le bon mot pour définir Marguerite. Finalement, le problème est tout autre : Marguerite est indéfinissable, inclassable. Ne rentrant dans aucune case, elle va décider de se la créer elle-même. Aujourd’hui, exposées dans de nombreux musées, ses œuvres continuent de surprendre mais surtout, de parler aux nouvelles artistes. « Comme elle, j’ai suivi mon mari, à 19 ans, en Afrique du Sud. Je faisais partie de la communauté blanche mais sans réussir à m’y intégrer. Comme Marguerite, j’ai vécu une puissante prise de conscience » explique Christine Sefolosha, artiste-peintre Suisse. Née à Arras le 26 juin 1872, Marguerite Burnat-Provins s’éteint le 20 novembre 1952 à Grasse. Après une vie aussi libre que créative, la femme franco-suisse continue d’inspirer les femmes…100 ans après…
Crédit photo : Le temps
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