9 décembre 1777, Louis XVI rétablit le Mont de Piété
décembre 9, 2024 | by Jean-Claude JUNIN
9 décembre 1777, Louis XVI rétablit le Mont de Piété
Le terme français vient de la mauvaise traduction en français de l’italien monte di pietà, « crédit de charité », de monte, « valeur, montant », et pietà, « pitié, charité ».
L’idée du mont-de-piété est née en 1462, quand un moine récollet italien, Barnabé de Terni, cherche un moyen de combattre l’usure et les taux d’intérêt abusifs (jusqu’à 130 %) pratiqués à l’époque. Il convainc les riches de la cité de Pérouse de constituer un fonds permettant de créer un établissement de prêts sur gages : le Monte di Pietà. Plusieurs frères mineurs prêchent à sa suite la création des monts-de-piété. Dix ans plus tard, le Monte dei Paschi di Siena est établi à Sienne avec le même objectif. Cet établissement propose alors un système de prêt sur gage à faible intérêt ou gratuit.
Des initiatives semblables voient le jour dans d’autres villes d’Italie. Au Ve concile de Latran, en 1515, le pape Léon X reconnaît officiellement les monts-de-piété.
Les monts-de-piété prennent pour emblème le grype, créature légendaire qui gardait les mines d’or d’Apollon dans le désert scythe.
En France, un mont-de-piété est fondé à Avignon en 1610 par la Congrégation de Notre-Dame de Lorette. La ville détient à cette époque le statut de cité papale depuis 1348 et le conservera jusqu’en 1791.
Un mont-de-Piété qui pouvait accorder des prêts gratuits jusqu’à 50 écus fut également créé en 1610 à Lille, laquelle faisait partie à cette date des Pays-Bas espagnols jusqu’à son entrée dans le Royaume de France en 1667. Son créateur, le riche marchand Bartholomé Masurel, lui légua ses biens. Un deuxième est créé à Lille en 1628 par Wenceslas Coeberger.
C’est à Paris que le fondateur de La Gazette de France, Théophraste Renaudot, ouvre le 27 mars 1637 le premier mont-de-piété dans son Bureau d’adresse qu’il transforme en salle des ventes. Cinq ans plus tard, le roi Louis XIII autorise 58 autres villes du royaume à établir des monts-de-piété.
Après la mort de Richelieu et de Louis XIII, un arrêt du Parlement le 1er mars 1644 met fin à l’institution sous la pression des usuriers qui pratiquent un taux d’intérêt de l’ordre de 120 %.
Jean-Charles-Pierre Lenoir (1732-1807), lieutenant général de police, propose de rétablir l’institution afin de venir en aide aux pauvres endettés dont la situation économique pourrait les amener au vagabondage ou aux larcins. Le roi Louis XVI, conscient de la mendicité provoquée par la ruine de ces endettés, établit une ordonnance le 9 décembre 1777 : l’institution est rétablie par lettres patentes sur le principe du prêt sur gage à très faible taux d’intérêt, 10 % à l’époque. Le lieutenant général et quatre administrateurs de l’hôpital général de Paris sont chargés de son administration tandis que le conseiller auprès du Roi, Louis-Étienne Framboisier de Beaunay, est nommé premier directeur de l’établissement qui est inauguré le 9 février 1778 au no 16, rue des Blancs-Manteaux à Paris. Les administrateurs sont régulièrement en guerre avec les commissaires-priseurs, souvent des Lombards qui exercent conjointement les métiers de banquier et de prêteur sur gage.
Pendant la Révolution française de 1789, la dépréciation des assignats provoque la chute des engagements de biens personnels, conduisant le mont-de-piété parisien à fermer ses portes en 1795. La reprise de l’usure par les maisons de prêt (jusqu’à 20 % par mois) entraîne sa réouverture le 10 février 1797. Le Mont-de-Piété rétablit le taux d’emprunt à 7 puis 4 % sous le Premier Empire.
En juillet 1805 (8 thermidor de l’an XIII), le décret impérial no 850 interdit aux maisons de prêt de Paris de recevoir des dépôts et de pratiquer des prêts sur nantissement, et ordonne le transfert des dépôts au mont-de-piété situé rue des Blancs-Manteaux. Le même jour, l’empereur Napoléon Ier et le secrétaire d’État Hugues-Bernard Maret signent le décret no 851 relatif à l’organisation et aux opérations du mont-de-piété de Paris Il développe alors de nombreux bureaux auxiliaires pour les commissionnaires et des succursales. En 1892, les prêts immobiliers sont autorisés.
Au XIXe siècle, le succès du mont-de-piété de Paris est tel qu’il n’apparaît plus seulement comme l’antichambre de la misère. Le propre fils de Louis-Philippe, le prince de Joinville François-Ferdinand d’Orléans, aurait ainsi déposé sa montre pour honorer une dette de jeu. Quelque peu honteux, il avait prétendu l’avoir oubliée chez sa tante. D’où l’expression « ma tante » pour qualifier le mont-de-piété.
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