5 mars 1886 : l’anarchiste Charles Gallo
mars 5, 2024 | by Jean-Claude JUNIN
5 mars 1886 : l’anarchiste Charles Gallo jette une bombe dans la Bourse de Paris
Abandonné par sa mère à sa naissance à Palais, dans le Morbihan, Charles Gallo, devenu clerc d’huissier à force de persévérance, a cru que la fausse monnaie le ferait échapper à sa condition. Condamné à cinq ans de réclusion, il est sorti de prison plus déterminé que jamais. En jetant une bouteille d’acide du haut des galeries surplombant la corbeille à la Bourse de Paris, il espérait tuer, dira-t-il aux assises, le plus de gens possible. Alertés par l’odeur, pris de panique, les coulissiers et les employés de banque s’étaient dispersés sans être atteints par les coups de feu tirés par Gallo.
Au cours des interrogatoires, il confesse avoir voulu non pas épouvanter les députés, mais tuer le plus grand nombre possible de ces « très peu respectables agioteurs » qui se trouvaient dans le bâtiment. Il avoue également penser à faire sauter la chambre de commerce de Nancy, avant d’y renoncer, jugeant le danger encouru disproportionné en regard des effets possibles. Il avait aussi abandonné l’idée de déposer une bombe lors du congrès de Versailles en 1884 afin de frapper les députés et les sénateurs réunis pour voter une révision partielle de la Constitution.
À l’issue d’un procès qui le condamne à vingt ans de travaux forcés, il proclame, une fois sorti de la cour d’assises : « Vive la révolution sociale ! Vive l’anarchie ! […] Vive la dynamite ! » Déporté en Nouvelle-Calédonie, condamné à mort après s’être révolté contre un garde-chiourme (peine commuée), il n’était plus en 1902, selon le dernier témoignage conservé, qu’un « cadavre vivant ».
À la fin du XIXe siècle, les journaux et brochures contenant des conseils pour la confection des « produits antibourgeois » et les actions ciblées contre les représentants de la religion et de l’autorité se multiplient. Dans Le Droit social, on invite les paroissiens à faire cadeau de légumes et de fruits empoisonnés au curé, les servantes à assaisonner la cuisine du bourgeois avec du poison, le paysan à retourner son fusil contre le garde-champêtre passant à sa portée. On peut aussi incendier les entrepôts préalablement imbibés de pétrole. Le Révolté, La Lutte, Le Drapeau noir, L’Action révolutionnaire contiennent le même genre d’incitations. Ces moyens criminels, selon l’expression de Garraud, n’étaient pas destinés à changer la société mais à montrer aux « exploiteurs » que « les travailleurs commencent à comprendre les vraies causes de leur servitude ».
Souvent illicite, la propagande se fait aussi à l’occasion de réunions, systématiquement surveillées par la police lorsqu’elles sont publiques et par des mouchards lorsqu’elles sont privées. Elles sont donc difficiles, voire impossibles à organiser sans l’accord ou à tout le moins la passivité des autorités. En dépit de cette intense agitation, les actions violentes antérieurs à 1892, au demeurant peu nombreuses, ont surtout causé des dégâts matériels.
(D’après « Plutôt la mort que l’injustice. Au temps des procès anarchistes » (par Thierry Lévy) paru en 2009, et « Je prie pour Carnot qui va être assassiné ce soir » (par Karine Salomé) paru en 2012)
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