20 mars 1342 Instauration de la gabelle
mars 20, 2024 | by Jean-Claude JUNIN
20 mars 1342 Instauration de la gabelle
La gabelle est une taxe royale sur le sel ayant existé en France au Moyen Âge et à l'époque moderne. C'était alors l'une des aides ou taxes indirectes. Les gabelous se chargeaient de la récolte de la gabelle. Le sel fait l'objet d'un monopole royal. Il est entreposé dans des greniers à sel, où la population l'achète taxé et en toute petite quantité. La gabelle représente, à l'époque moderne, environ 6 % des revenus royaux. Le sel fut longtemps le seul moyen de conserver les aliments et était donc une denrée de première nécessité. Avec le sel, on fabriquait des salaisons et l'on séchait poissons et viandes. Il était également un élément nutritif indispensable pour le bétail. Enfin, il fut sous l'Ancien Régime utilisé comme monnaie d'échange et il possédait même une fonction de salaire, dont on retrouve le sens étymologique dans salarium en latin qui signifiait « ration de sel » puis, par extension, la pratique du traitement, du salaire à l'époque romaine.
On trouve une première mention sous le règne de Louis IX, en 1246, dans les privilèges et coutumes qu'il donne à Aigues-Mortes : Sed neque Gabellæ Salis, seu alterius mercimonii possint ibi fieri contra homines villæ. On peut en déduire que cet impôt était alors connu
Sous Philippe le Bel le sel se vendait librement à Paris. Il en est de même sous Louis le Hutin qui se plaint que des particuliers en faisaient des amas considérables pour faire monter son prix. Cette possibilité de s'enrichir par la vente du sel a donné au roi l'idée de faire la vente du sel à son profit car dans son ordonnance du 25 février 1318, Philippe V le Long déclare que cette imposition de gabelle « moult déplaisant au peuple » ne serait pas perpétuelle.
Les guerres continuelles soutenues par Philippe VI l'ont amené à augmenter cette imposition. C'est ce qu'il exprime dans l'ordonnance du 20 mars 1342. Cette ordonnance prévoit un premier établissement de greniers et une ébauche d'administration financière spéciale aux gabelles et aux greniers. Cet impôt ne change alors rien à la liberté de commerce du sel.
Les lettres patentes de Charles V le Sage, alors régent du royaume, du 9 août 1359 confirment l'établissement de ces greniers à sel et la levée de la gabelle du sel. L'ordonnance d'octobre 1359 fixe le prix du sel. Les États des sénéchaussées de Beaucaire et de Nîmes ont accordé au roi un droit de gabelle qui devait finir en avril 1363, mais le 20 avril, le roi a pris une ordonnance pour continuer à percevoir cette gabelle. Le droit de gabelle n'est payé qu'une seule fois, on est ensuite libre de vendre le sel. Ceux qui avaient payé la gabelle recevaient une quittance pour en attester.
Au XIVe siècle, les plaintes commencent, elles ne cesseront plus. « En ce mois de mars 1343, dit le continuateur de Nangis, notre roy Philippe mit sur le sel une exaction dite gabelle, d’où il acquit la male grâce du peuple ». À la même époque, sont créés les Greniers à sel, tribunaux chargés de juger toutes les contraventions relatives à la gabelle et dont les appels, plus tard, durent être portés devant la cour des aides. En 1343, par ordonnance du roi, le sel devient un monopole d'État. Taxe modeste d'abord, de deux deniers par minot, elle est déjà de huit sous pendant le règne de Charles V et l’impôt, malgré de solennelles promesses, devient permanent.
L'histoire de la gabelle jusqu'en 1661 a été divisée en trois étapes par Eugène-Pierre Beaulieu :
De 1342 à 1547 : le sel est soumis à une taxe, variant dans le temps et les provinces, mais son commerce est libre, au moins en principe. La vente en gros est monopolisée par le roi. Les vendeurs au détail, ou regrattiers, doivent le lui acheter. Après la mort de Charles V, l'organisation qu'il a réussi à mettre dans les revenus de la couronne va disparaître, entre 1383 et 1435. Charles VII a remis en place l'organisation de la gabelle, de la taille et des aides.
Par les lettres patentes du 4 janvier 1547, l'État se réserve le monopole de la vente du sel dans des greniers, mais n'exerce pas lui-même la vente, il s'en dessaisit au profit de marchands adjudicataires qui la prennent à bail après enchères. Les baux sont consentis pour dix ans pour au moins un grenier et au plus trois. Cela concerne l'outre-Seine et la Bourgogne. Rien n'est modifié dans le Midi. Pour l'ouest et le sud-ouest, François Ier et Henri II vont y introduire progressivement la gabelle au prix de révoltes réprimées durement, comme à Bordeaux. Dès 1559, les marchands adjudicataires vont tenter de se réunir. Cela aboutit en 1578 avec la ferme générale des droits de gabelle.
Vers 1598 s'ouvre la troisième période, Sully va opérer la réunion des droits de gabelle et de « fournissement des greniers » qui est un monopole. Ils sont affermés dans les pays de gabelles. La ferme générale des grandes gabelles est cédée par le bail du 3 décembre 1598 à la compagnie dont Claude Josse est le prête-nom.
La gabelle est abolie par l'Assemblée nationale constituante le 1er décembre 1790, c'est Prieur de la Marne qui présente le rapport de suppression. Mais l’impôt sur le sel réapparut néanmoins en 1806, sous Napoléon Ier. Sous la IIe République, le gouvernement provisoire supprime l'impôt sur le sel par un décret du 15 avril 1848. Mais, par la loi du 28 décembre 1848, l'Assemblée nationale abroge le décret avant qu'il n'entre en vigueur. Le Second Empire puis la IIIe République le maintiennent. Sous la IVe République, l'Assemblée constituante le supprime par la loi du 31 décembre 1945
Source :
Frédéric Pommier et Flora Bernard, « 20 mars 1342 : Instauration de la gabelle »
Alain Venturini, « Le sel de Camargue au Moyen Âge »
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