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Au chevet de la sapinière préalpine,

décembre 14, 2021 | by Jean-Claude JUNIN

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Au chevet de la sapinière préalpine,


Victime du changement climatique


Les climatologues l’annonçaient depuis le début des années 2000 : la forêt française serait bientôt un révélateur des effets du changement climatique sous nos latitudes : arbres secs, massifs rougissants, invasion de gui, insectes ravageurs… La sapinière de Bleyne est, comme plusieurs forêts des Préalpes, touchée par les effets de ces changements.


Cette forêt domaniale de 372 hectares, ancienne propriété des Papeteries de France et acquise par l’Etat en 1930, se situe sur la commune du Mas. Elle est composée de pin sylvestre (40%), de sapin (24%) et de hêtre (35%).

Au chevet de la sapinière préalpine, ONF, Le Mas, changement climatique

L’ONF a mis en place un observatoire du dépérissement forestier dans cette forêt à compter de 2008, en partenariat avec le département des Alpes-Maritimes, afin de suivre l’évolution de l’état sanitaire de la sapinière. Le protocole consistait à relever, sur des placettes fixes, le déficit en aiguilles des arbres, indicateur de leur vitalité et de leur état sanitaire : l’un des premiers symptômes lorsque l’arbre est stressé est la perte de feuilles ou d’aiguilles (défoliation).


En forêt domaniale de Bleyne, on observe une hausse significative de défoliation des sapins, qui passe de 11,25% en 2008 à 50.75% en 2021. Le taux de mortalité a également fortement augmenté (cf. graphique “évolution de la mortalité des sapins”).

Au chevet de la sapinière préalpine, ONF, Le Mas, changement climatique

A l’effet de la perte des feuilles, source d’alimentation pour les arbres (par la photosynthèse qui transforme le carbone de l’air en sucres), s’ajoutent des attaques d’insectes parasites, que l’on observe particulièrement depuis ce début d’année 2021, conséquence de l’affaiblissement des sapins dû aux sécheresses répétées et au gui. Parmi eux, le scolyte, qui attaque la partie vivante de l’arbre en formant des galeries sous l’écorce, entraîne rapidement sa mort. Les attaques sont pour le moment localisées en plusieurs endroits du massif, qui forment autant de foyers de dissémination des jeunes adultes, qui iront coloniser d’autres arbres sains.


Un autre ravageur que l’on voit se développer depuis 2017 à partir du Mont Lachens est l’Epinottia Subsequana, un petit papillon qui, au stade larvaire, consomme l’intérieur des aiguilles de sapin provoquant le rougissement de l’arbre et la chute des aiguilles minées. Le foyer initial, premier en France, partagé entre les communes de La Bastide et Séranon, s’est peu à peu étendu vers l’est pour toucher l’ensemble des Préalpes en 2021, en particulier les communes limitrophes. La forêt domaniale de Bleyne est malheureusement également concernée.

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L’adaptation des peuplements aux changements climatiques, priorité de la politique forestière


Face à cette crise, une première tournée sur le terrain des services de l’ONF s’est tenue le vingt et un avril 2021 afin de poser un diagnostic partagé et de réfléchir à l’avenir de la sapinière en forêt domaniale de Bleyne, et de façon plus large dans les Préalpes.


Le risque d’extension des ravageurs, l’état sanitaire dégradé et évolutif et les projections scientifiques synthétisées sous la forme de l’outil Climessences, indiquent que la présence de sapin en bonne santé, au-dessous de la limite altitudinale de 1400 mètres dans les Préalpes, est très incertaine à moyen et long terme. Il a donc été opté pour une intervention volontariste d’adaptation de la forêt aux nouvelles conditions climatiques sur les zones où le sapin est actuellement le plus dépérissant. L’objectif est double : récolter le bois avant qu’il ne se déprécie en cherchant à la valoriser comme bois d’œuvre et permettre une reconstitution du massif par plantations d’essences d’arbres plus adaptées à la sécheresse et à la chaleur dans le cadre du Plan de relance forestier mis en place par l’État.

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Sur ces zones, qui représentent un total de 40 hectares environ, les sapins seront récoltés tandis que les hêtres, pins sylvestre et feuillus divers resteront en place. Les plants choisis pour le reboisement répondront à des critères d’adaptation à la station forestière, de résistance aux sécheresses estivales, et les arbres adultes devront fournir un bois de qualité. Des enclos grillagés permettront de protéger les jeunes plants des abroutissements de cervidés et favoriser la régénération naturelle feuillue, l’objectif étant face aux incertitudes climatiques de diversifier au maximum nos forêts.


La forêt de Bleyne, dans quelques années, sera donc composée d’un mélange d’essences feuillues et résineuses, d’arbres de tous les âges. Elle sera résistante globalement aux nouvelles conditions climatiques (le mélange initial assure qu’au moins une partie des arbres seront adaptés à un climat que l’on ne peut prédire avec certitude et dans le détail aujourd’hui. Enfin, elle séquestrera significativement du carbone grâce aux nombreux arbres vivants et commencera à fournir des produits destinés à l’industrie du bois, permettant de substituer des énergies fossiles (bois, énergie) et de stocker du carbone dans la durée (utilisation dans le bâtiment). Aujourd’hui victime du changement climatique, elle reprendra donc son rôle de rempart contre ce dernier.

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