Mat’ild, les raisons de la colère, Première partie
mars 10, 2023 | by Jean-Claude JUNIN
Mat’ild, les raisons de la colère, Première partie
Le SIEF* vent debout !
Communiqué de presse du SIEF* (Syndicat Intercommunal des Eaux de Foulon) :
La société MAT'ILD, filiale d'EUROVIA, elle-même partie du groupe VINCI, a le projet d’implanter un centre de fabrication de matériaux alternatifs comportant des Installations de Maturation et d’Élaboration à partir de Mâchefers d’Incinération de Déchets Non Dangereux (IME-MIDND) sur une parcelle attenante à la carrière de la SEC, à Le Bar-sur-Loup.
Ce centre de production comprendra une unité de fabrication des produits de béton alternatif, une unité de production de granulats de mâchefers et des installations annexes (locaux, bascule, parkings, stockage GNR et des installations de gestion et traitement des eaux).
La production de granulats de mâchefers traités envisage deux étapes :
▪ Une étape de maturation comprenant un traitement physico-chimique visant à réduire et stabiliser le potentiel polluant des mâchefers par maturation à l’air libre et arrosage régulier,
▪ Une étape de traitement primaire et secondaire qui vise à cribler et recycler les matériaux ferreux et non ferreux.
Ce projet revêt un intérêt public incontestable car il contribue au retraitement des déchets produits par l’incinération des déchets du département des Alpes-Maritimes.
Toutefois, l’examen attentif de ce projet appelle de notre part de vives inquiétudes quant aux impacts environnementaux que cette mise en exploitation pourrait faire peser sur le territoire du Syndicat intercommunal des eaux du Foulon (SIEF) et plus particulièrement pour les communes du Bar-sur-Loup, de Châteauneuf-Grasse et de Grasse.
Les risques environnementaux identifiés sont les suivants :
– La pollution des eaux souterraines potentiellement exploitables par le SIEF,
– La pollution atmosphérique d’un site situé à proximité directe d’habitations,
– L’augmentation du trafic routier sur les voiries,
– L’augmentation de la consommation d’eau sur un bassin versant du Loup, déjà fortement déficitaire.
La pollution des eaux souterraines
Le Syndicat Intercommunal des Eaux du Foulon (SIEF) assure le captage, le traitement et le transport d’eau potable destinée à près de 95 000 habitants répartis dans 9 communes : Le Bar-sur-Loup, ChâteauneufGrasse, Gourdon, Grasse, Mouans-Sartoux, Opio, Roquefort-les-Pins, Le Rouret et Valbonne.
L’eau captée par le SIEF provient aujourd’hui de deux sources souterraines, le Foulon et les Fontaniers, situées dans la vallée du Loup. Mais le Syndicat explore quotidiennement de nouvelles ressources sur son territoire et tient surtout à préserver les ressources naturelles d’eaux souterraines encore disponibles pour endiguer les périodes de sécheresse actuelles et à venir.
La société MAT’ILD affirme que les études hydrologiques qu’elle a menées n’ont pas révélé la présence d’une nappe aquifère au droit du site. Elle ajoute de plus que les circulations d’eau du fait de son activité seront faibles et décrit des moyens envisagés pour éviter des pollutions (étanchéité des bassins de rétention, vérification périodique des bassins, prise en compte d’une crue centennale…).
Ces affirmations ne permettent cependant pas de certifier l’absence d’aquifère d’une part et de se prémunir de manière certaine de tout risque de pollution des eaux souterraines dans un massif géologique karstique d’autre part.
Il existe pourtant d’autres études hydrogéologiques publiques sur ce secteur, et notamment celles menées par Monsieur Christian MANGAN, hydrogéologue, réalisée dans les années 1990, qui ont mis en exergue la présence d’un aquifère sous le site du futur centre, qui contribuerait à l'alimentation en eau des sources souterraines dont celle du Figueret. Ces sources émergent principalement à la base des falaises de Gourdon près de Pont du Loup.
Ces affirmations ont et corroborées scientifiquement par M. Guillaume TENNEVIN, géologue-hydrogéologue, dans une note que nous nous sommes procurée et datée du 09 janvier 2022.
Aujourd'hui, ces sources ne sont pas captées pour l’alimentation en eau potable et suralimentent le Loup.
Cependant, l'aquifère qui les alimente et qui remonte jusqu'au plateau de la Malle en passant par la carrière, pourrait à l’avenir être classé en Zone de Sauvegarde Non exploitée Actuellement. Il pourrait prochainement devenir un aquifère où tester des méthodes de gestion active d'aquifère, méthodes qui pourraient s'avérer particulièrement stratégiques afin d’assurer le stockage des eaux en souterrain pour une restitution en AEP ou un soutien du Loup en période de sécheresse.
De plus, il convient de relever que le karst sur lequel est fondé le projet, ne possède pas de pouvoir filtrant et une pollution à cet endroit serait de nature à se propager très rapidement dans toutes les sources souterraines environnantes.
La mise en place d’une activité de stockage et de traitement des mâchefers, quelle que soit la sécurité avancée, constitue donc un réel risque de pollution sur le moyen et long terme. C’est pour cette raison que les hydrogéologues préconisent systématiquement d’éviter ce type d’activité sur les massifs karstiques.
La pollution atmosphérique
Les informations et les données transmises par la société MAT’ILD sur les émissions de poussières relatives aux retombées atmosphériques issues du traitement des mâchefers (chargés en métaux lourds), tant au niveau de l’étude d’impact que des réponses apportées par le futur exploitant aux avis de l’Agence Régionale de Santé (ARS PACA) et à la Mission d’Autorité Environnementale (MRAE), sont insuffisantes pour se prémunir d’une pollution sanitaire et environnementale des terrains aux abords du site.
En effet, leurs données proviennent, d’une part, de l’exploitation des granulats inertes de la carrière de la SEC et, d’autre part, d’un site de valorisation des mâchefers situé à Fos-sur-Mer dans les Bouches du Rhône, dont les volumes de mâchefers traités ne sont pas connus et où la météo est différente de celle du Bar-sur-Loup.
En outre, les dispositions envisagées pour limiter la dispersion des polluants dans l’air restent générales :
Arrosage des pistes pour l’abattage des poussières, nettoyage régulier du site, capotage des pièces émettrices de poussières, limitation de la vitesse des engins sur le site et de la hauteur de déchargement des camions…
Il n’y a, à ce stade, aucune évaluation de l’efficacité de ces actions, ni de renseignements sur la fréquence de ces actions dans le dossier d’enquête publique.
De fait, il existe un risque potentiel de pollution atmosphérique de nature à mettre en danger la santé des habitants situés dans un périmètre proche, et notamment les habitants de Bar-sur-Loup, de Châteauneuf-Grasse et de Grasse.
L’augmentation du trafic routier
Au niveau du trafic des poids lourds, il est indiqué dans le dossier d’enquête publique, la présence quotidienne de 24 camions et de 10 véhicules légers. Cette évaluation prévisionnelle génèrera un trafic d’un moins 68 déplacements par jour sur les voies publiques dont 48 trajets journaliers de poids-lourds.
A ce jour, nous ne savons pas précisément quel sera le trajet qui sera emprunté par ces véhicules du lundi au vendredi, si ce n’est que des camions transportant des mâchefers proviendront des incinérateurs à déchets de Monaco, de Nice et d’Antibes.
Cependant, et compte tenu de la configuration existante des voies routières en contrebas de ce site industriel,
il est quasiment certain que la plupart des poids-lourds emprunteront les routes grassoises et traverseront le Sud de Grasse, le centre-ville et le hameau de Magagnosc.
La ville de Grasse subit déjà de très fortes nuisances (bruit, vibrations dans les ouvrages, pollution atmosphérique, ralentissements, accidents) liées au trafic des camions du fait de l’activité de la carrière de la SEC. L’afflux de 24 nouveaux camions et 10 véhicules légers accentuera ces nuisances.
De plus, et bien que l’exploitant précise dans son dossier que les bennes des poids-lourds transportant des mâchefers provenant des incinérateurs seront bâchées, des poussières de mâchefer se retrouveront tout au long du parcours et seront inhalées par les Grassois.
En conséquence, aucune autorisation de traversée de la ville de Grasse ne sera donnée aux camions en provenance ou à destination de ce centre de production de matériaux alternatifs.
L’augmentation de la consommation d’eau
Enfin, nous savons tous que le bassin versant du Loup est un bassin structurellement déficitaire en eau. En 2022, ce bassin a été placé en crise sécheresse par le Préfet des Alpes-Maritimes du fait de la pénurie d’eau.
Cette situation perdure encore à l’heure actuelle et va très probablement engendrer des mesures de restriction d’eau drastiques pour tous les utilisateurs : les particuliers, les collectivités territoriales et les industriels.
Le processus de traitement des mâchefers nécessitant une consommation estimée à 17 000 m3 d’eau, le SIEF n’est en aucun cas en mesure de garantir à la SPL Hydropolis, distributeur, qu’elle pourra vendre de tels volumes d’eau à la société MAT’IDL.
Il convient de préciser qu’en cas de tension supplémentaire dans la pénurie d’eau, la priorité sera bien entendu donnée à l’alimentation en eau potable des administrés.
En conclusion, nous, Maires du SIEF et membres du Comité syndical du SIEF, avons décidé de nous opposer fermement au projet de création et d’exploitation de ce centre de fabrication de matériaux alternatifs à Le Bar-sur-Loup car nous estimons que les risques générés par ce projet sont préjudiciables pour l’environnement
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