fermeture des établissements bancaires de la rue Quincampoix,
mars 24, 2024 | by Jean-Claude JUNIN
Le 24 mars 1720, fermeture des établissements bancaires de la rue Quincampoix, à Paris, à la suite de la crise financière.
Le scandale de la banque Law est la première bulle financière connue. A la mort de Louis XIV, la situation financière de la France est catastrophique. Le plan économique présenté par Law consiste à remplacer la monnaie métallique par du papier. Son succès est tel, que le régent lui accorde une compagnie qui gère la mise en valeur de la Louisiane et l'exploitation des Antilles, du Sénégal et du Canada. De plus, la banque Law devint Banque Royale en 1718, et la Compagnie reçoit le titre de « Compagnie perpétuelle des Indes ». Il devient même de Contrôleur Général des Finances en 1720. Mais l'explosion de la spéculation dans les officines de la rue Quincampoix, où se trouve la banque, fait monter les actions de la Compagnie des Indes de 500 Livres à 20.000 Livres. La banque est incapable de faire face aux demandes de réalisation des gains. Les émeutes et la paniques qui s'en suivent font tomber l'action à un Louis. Law s'enfuit en décembre. Londres connait à la même époque le même type de bulle avec la South Sea Company. Quand les leçons du passé ne servent pas pour le présent…
Alors qu'il avait déjà tenté d'approcher le roi Louis XIV dix ans plus tôt, John Law revient en France en 1714. Il est reçu par le duc d'Orléans, qui le recommande à Desmarets, contrôleur général des finances. En septembre 1715, Louis XIV meurt et, Louis XV étant encore enfant, le duc d'Orléans devient Régent. Les finances du royaume sont alors dans un état désastreux après des décennies de guerre. La dette s'élève alors à 2,8 milliards de livres, soit l'équivalent d'une dizaine d'années de recettes, un record absolu. Le Régent reçoit une nouvelle fois John Law et, convaincu par son système, l'impose à ses conseillers, Noailles, Rouillé et Amelot.
Le 2 mai 1716, Law est autorisé par édit à créer une banque privée, sur le modèle de la banque d'Angleterre, qui prend le nom de « Banque générale », établie à Paris, rue Vivienne, dans une partie de l'ancien palais Mazarin. Mais bientôt la rue Quincampoix fut le centre de cet agiotage. Son capital s'élève alors à 1 million de livres, réparti en 2 000 actions de 500 livres, payables pour un quart en espèces et pour le reste en « papiers d'État ». La banque connaît un succès immédiat du fait de l'annuité très élevée (7,5 %). Le 10 avril 1717, un nouvel édit élargit les privilèges de la banque : les billets qu'elle émet, convertibles à vue, peuvent être reçus en paiement des impôts. Le capital est porté à 6 millions.
Le 23 août 1717, Law obtient la rétrocession des privilèges de la Compagnie de la Louisiane, cédée par le financier Antoine Crozat pour acquitter une dette vis-à-vis de l'État à la suite de l'opération du visa. Le 6 septembre, Law crée la Compagnie d'Occident, pour les colonies françaises d'Amérique et du Sénégal, rapidement surnommée la Compagnie du Mississippi. Dès lors, il détient le monopole commercial de la Louisiane pour vingt-cinq ans, avec l'objectif de peupler la colonie de 6 000 Blancs et de 3 000 Noirs en dix ans, pour concurrencer l'Espagne et l'Angleterre.
Son capital s'élève à 100 millions de livres, réparties en 200 000 actions payables en papier d'État, comportant 4 % de dividendes. Là encore, c'est un succès : Law présente la Louisiane comme un pays de cocagne pour attirer les capitaux, mais les colons ne sont pas suffisamment nombreux au départ et la plupart le font pour échapper aux galères. L'opération permet d'éponger 60 millions de livres de dette publique.
La Banque générale devient Banque royale le 4 décembre 1718 avec effet le 1er janvier 1719 : les billets de banque sont désormais garantis par le roi. En 1719, la compagnie absorbe la Compagnie française des Indes orientales, la Compagnie de Chine et d'autres sociétés commerciales rivales. Elle devient ainsi la Compagnie perpétuelle des Indes.
En 1720, la banque et la compagnie fusionnent. Law, converti au catholicisme par l'abbé de Tencin qui le seconde efficacement, est nommé contrôleur général des finances le 5 janvier, pour attirer les capitaux. La situation s'emballe : pour briser la traditionnelle thésaurisation française de l'or et de l'argent, Law interdit la possession de plus de 500 livres de métaux précieux par foyer, sous peine de confiscation et d'amende. Une récompense est promise aux dénonciateurs, et des perquisitions ont lieu, même chez les ecclésiastiques. Le 11 mars, pour décourager le public de la monnaie métallique, il suspend la valeur libératoire de l'or, à dater du 31 décembre. Alors que l'opinion publique gronde, il fait arrêter les « semeurs de faux bruits », qui sont déportés aux colonies, ce qui crée un scandale. Dès le 24 mars, la rumeur d'une banqueroute est répandue par quelques initiés (ce qui constituerait aujourd'hui encore un délit).
Parallèlement, la propagande orchestrée par Law sur « l'Eldorado de la Louisiane » s'épuise et ne trouve plus preneur. Des grands comme le prince de Conti, ou le duc de Bourbon, viennent en personne retirer de l'or au siège de la banque, rue Quincampoix, ce qui entraîne des émeutes. Le cours des actions chute, sans que Law parvienne à le contrôler. Le 17 juillet, 17 morts sont ramassés à la suite des émeutes rue Quincampoix. Le 21 juillet, un arrêt institue une semi-banqueroute. Le Parlement, qui tente de résister, est exilé à Pontoise. Ceci précipite la chute du système, qui est supprimé par paliers entre septembre et octobre. Le 10 octobre, enfin, on annonce la suspension des billets de la Banque royale à compter du 1er novembre.
Le système de Law n'est plus. John Law lui-même, qui a démissionné de ses fonctions ministérielles, s'enfuit de Paris le 14 décembre, avant de s'exiler à Venise. Il est remplacé par Le Peletier de La Houssaye dès le 12 décembre 1720.
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