C’est Lénine Et Trotsky qu’on Assassine…

Incendie de la Brasserie " La Rotonde " :  C'est Lénine Et Trotsky qu'on Assassine…

Avant d'expliquer ce que Lénine et Trotsky viennent faire dans cette histoire, remontons le temps : la célèbre brasserie parisienne située aux 105 bd du Montparnasse dans le 6^ème arrondissement a été victime dans la nuit du 17 Janvier d'un incendie volontaire. Ceux qui ont agi ainsi en pensant qu'ils allaient détruire l'un des symboles du capitalisme et de la bourgeoisie manquent singulièrement de culture…

Cette brasserie fut créée en 1903, à l'époque c'est un estaminet, un bistrot populaire et ouvrier et l'on y sert surtout du café, des croissants, des tartines et de la piquette… au début du 20^ème siècle , ce quartier qui se nommait alors, le Mont Parnasse, devient celui de la bohême des années folles et la brasserie de la Rotonde, comme ses voisines la Coupole, le Dôme et la Closerie des Lilas vont devenir les lieux privilégiés des artistes, des comédiens, des intellectuels, des écrivains, des poètes et des musiciens. La Rotonde est alors ouverte à toutes les couches sociales, les plus défavorisées ou celle des princes exilés, celle des artistes désargentés qui viennent manger de la soupe car le patron d'alors faisait volontiers crédit et nourrissait les « sans le sou », comme celle des mécènes qui se transforment en protecteurs.

Des vocations vont y naître et vont se côtoyer au début du siècle, Léon Bloy, Maurice Barrès, Paul Fort, Verlaine, Mallarmé, Léopold Sedar Senghor, Louis Aragon et Elsa Triolet, Hemingway, Mac Orlan, Max Jacob, Jean Cocteau, Simenon, Apollinaire, Blaise Cendras, etc… Modigliani, Soutine, Man Ray, Bourdelle, Utrillo, Foujita, Chagall, Braque, Matisse, Léger, etc… la Rotonde était donc un endroit cosmopolite, un lieu d'échange où se retrouvaient ceux qui étaient en quête d'histoire, de création ou, de révolution…

En effet, et ceux qui ont voulu détruire la Rotonde ne le savent donc pas, c'est ici que Wladimir Ilitsch et Léon Braun-Stein, autrement dit LENINE et TROTSKY, avaient leurs habitudes car la Rotonde fut un asile et un lieu de rendez-vous pour les révolutionnaires russes de 1917 ! Lénine, qui résidait alors à Montrouge, se rendait à la Rotonde en bicyclette et Trotsky rédigeait ses articles pour un journal révolutionnaire russe sur une table de la brasserie. Ce qui fait dire à Fuss-Amore et Ombieaux, " que Trotsky narguait de la Rotonde les puissances et défiait le vieux monde, fatigué et malade, dépourvu de foi et d'idéal ". Quant à Léon Paul Fargue, il écrit dans – le Piéton de Paris – , " J'ai eu pour voisin un dîneur en pardessus qui mangeait du boeuf gros sel, c'était Trotsky. La Rotonde est peut-être le seul lieu au monde qui ne désespère du voisin le plus malpropre, le plus pauvre, le plus grossier au point de croire qu'il peut devenir un jour un roi ou un tyran ". Leurs compagnons se nommaient Lounatscharky, Kamenev, Zinoviev. Ils préparaient le grand soir, la révolution bolchevique qui s'est créée et façonnée sur… les tables de la Rotonde ! C'est donc en ce lieu qu'au début du 20^ème siècle. les intellectuels, les artistes, les rêveurs, les réformateurs, les utopistes, se retrouvèrent pour changer le monde. Et ceux qui ont voulu brûler la brasserie ne savaient pas qu'ils essayaient de s'autodétruire… Oui, E. Macron a fêté ici la victoire du premier tour des élections présidentielles en 2017, mais il ne l'a pas fait dans un lieu voué au pouvoir et au capital. La Rotonde, c'est une tranche de l'histoire de la France et même du monde, un lieu habité par des ombres encore mouvantes et perceptibles, un endroit encore fréquenté de nos jours par des éditeurs, des écrivains, etc… mais aussi par des touristes en quête du passé de la capitale.

Et non, la Rotonde n'est pas un établissement de luxe. On y sert des menus à des prix abordables, plus corrects que dans d'autres lieux de Paris, les patrons sont auvergnats et servent une cuisine traditionnelle française : confit de canard pommes sautées, bavette aux échalotes et frites, rôti de porc à la moutarde, œufs mayonnaise, soupe à l'oignon, des pâtes et des glaces, des babas au rhum et des profiteroles, du riz au lait, et du muscadet bien frais… .. C’est une brasserie. Alors, faut-il brûler le musée du Louvre parce que E. Macron l'a évidemment visité ?

Quand la – populace – qui n'est pas le peuple, s'empare de la bêtise et de la violence aveugle et les érige en lois ordinaires, quand, en souvenir de la pire période de la révolution française s'installent le chaos et le vandalisme au quotidien, il est grand temps de se demander – comment ne pas entrer dans la Terreur – avant de devoir chercher une solution pour – sortir de la Terreur -.

Source : Alexandra Schreyer, écrivaine, éditrice et historienne.