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L’Œil de l’Afrique

février 6, 2020 | by Jean-Claude JUNIN

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L’Œil de l’Afrique, ou l’étonnante histoire de la structure de Richat


En survolant le désert du Sahara, en Mauritanie, il y a de fortes chances que vous aperceviez la structure de Richat, aussi appelée « l’œil de l’Afrique ». Cette structure géologique exceptionnelle, large d’environ 50 kilomètres de diamètre, a longtemps été considérée comme une « énigme scientifique »


La structure de Richat, ou dôme de Richat, se trouve près de la ville d’Ouadane, en Mauritanie, à 30 km au sud de la source d’un ancien cours d’eau du nom de « oued Saguiet el Hanura ». Avec ses 50 kilomètres de large, la structure de Richat est visible depuis les airs, et même depuis l’espace. C’est d’ailleurs une mission spatiale américaine (Gemini) en 1965 qui l’a révélée dans toute son étendue. Vue d’en haut, la structure à la forme d’un énorme œil pointé vers le ciel, d’où son surnom de « l’œil de l’Afrique ».


À l’époque, les astronautes avaient été très émerveillés par les caractéristiques atypiques de la structure. Elle est constituée de cercles superposés de plusieurs dizaines de kilomètres de diamètre qui forment un genre d’ammonite géante. Dès les années 1950, les scientifiques se sont intéressés au dôme de Richat pour tenter de comprendre son origine. Ils sont d’abord arrivés à la conclusion que la structure avait été créée par un impact de météorite. Mais des études plus approfondies ont permis d’écarter cette hypothèse pour donner naissance à une autre…

En 1973, le célèbre scientifique français Théodore Monod a mené des recherches sur la structure de Richat, et a abouti à des conclusions qui sont très proches de celles admises aujourd’hui. En fait, d’après des études menées dans les années 2000, l’œil de l’Afrique n’a pas été créé par un impact météoritique, mais il s’agit plutôt du résultat d’un phénomène volcanique géant remontant à l’époque du Crétacé, il y a 100 millions d’années.  Un épisode de plissement géologique lui aurait donné cette forme si particulière.


D’après ces études, la structure de Richat est née d’une forme de volcanisme géant rarissime qui a donné lieu à des remontées de magma accompagnées d’une quantité importante d’eau chaude. En s’infiltrant progressivement dans les fractures de la terre, l’eau a dissous les couches de calcaire pour former un dôme magmatique. Le dôme de Richat ne peut cependant pas être considéré comme un volcan, car il n’y a jamais eu de remontée de lave à la surface.


Au fil des siècles, la pression a déformé les sédiments et les cavités se sont progressivement agrandies. L’effondrement du dôme est alors survenu à la suite d’une longue et lente érosion, donnant lieu à la structure circulaire connue aujourd’hui sous le nom de l’œil de l’Afrique. Les anneaux concentriques caractéristiques du dôme de Richat sont formés par les couches de la structure, composées de quartzites du paléozoïque (-541 à -252 millions d’années) qui ont mieux résisté à l’érosion

Le premier des sahariens-scientifiques à s’aventurer sur les lieux fut Théodore Monod  : « C’est en 1934 que j’ai commencé à attaquer de l’œil, du pied et du marteau la gréseuse forteresse de l’Adrar ». Dernier naturaliste aux multiples savoirs, doué d’une faculté d’observation hors du commun, les particularités du Richât ne pouvaient lui échapper. Pourtant il aimait se qualifier de « géologue amateur », mais qu’on ne s’y trompe pas, ce n’était pas par modestie (feinte ou vraie), mais par autodérision, exercice qu’il maniait avec l’humour bien connu et apprécié de tous ses proches. Il reviendra plusieurs fois sur le site pour tenter de trouver une explication à la formation de ce véritable musée géologique, presque une anomalie géographique, l’une des plus grandes curiosités du Sahara.


L’œil de l’Afrique, soixante-dix ans de recherches et d’interrogations inaugurée par Th. Monod : « Je ne faisais alors que passer [en juillet 1934]. Il allait falloir y regarder de plus près et donc multiplier les trajets. Et c’est ainsi que de 1946 à 1976 j’ai parcouru l’Adrar à une quinzaine de reprises ». Au fil des ans l’Adrar devient « son diocèse », et le Richât un lieu intime pétri de souvenirs ; Olga, sa femme, l’attendait au « Camp boisé », sous un arbre, toujours le même, un jour, deux jours, ou plus, pendant que son géologue de mari cassait ou examinait des cailloux à la recherche de nouveaux indices révélateurs…

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