8 février 1587, exécution de Mary Stuart, reine d’Écosse,
février 8, 2024 | by Jean-Claude JUNIN
Reine d'Écosse au berceau, éphémère reine de France, longtemps prisonnière de sa cousine Élisabeth d'Angleterre, la fille de Jacques V aura connu l'un des destins les plus romanesques de l'Histoire.
Août 1548. Une toute jeune reine de 6 ans accoste en Bretagne, à Roscoff, au milieu des bannières d'Écosse – son pays d'origine – et de France, son nouveau royaume. Belle, fine, mûrie précocement : telle apparaît Marie Stuart, marquée dès le premier souffle du sceau de la fatalité.
Marie n'avait que 6 jours lorsque trépassa son géniteur Jacques V. cela faisait d'elle la plus jeune souveraine de tous les temps… Les siens étaient troublés, l'avenir plus qu'incertain ; aussi la mère de la reine voulut-elle la faire couronner au plus vite ; un souverain devient moins vulnérable une fois sacré. À 9 mois seulement, le 9 septembre 1543, la minuscule Marie Stuart ceignait donc une couronne dans laquelle on aurait pu la coucher…
En 1547, la cour d'Écosse se prononçait en faveur d'une union française : la petite reine de 5 ans fut promise au fils du nouveau roi Henri II… Voilà pourquoi Marie débarque en France à l'âge de 6 ans et devient en quelques semaines l'espérance vive de son nouveau royaume. Durant une dizaine d'années, la jeune reine d'Écosse sera l'astre de la cour d'Henri II et de Catherine de Médicis. En 1558, Marie épouse enfin le dauphin François, dont on la dit sincèrement éprise ; elle a 16 ans ; lui, seulement 14. Or, le jeune roi François II se révèle bientôt malade, très malade même ; atteint de la mastoïdite, il est emporté dans des souffrances atroces après une année de règne. Quelques jours avant ses 18 ans, voilà donc Marie reine douairière de France, autant dire sans véritable position ; et elle ne pourra pas compter sur le soutien de Catherine.
Ayant perdu sa mère avant d'être veuve, Marie repart tristement pour l'Écosse le 14 août 1561. Retour difficile en son premier royaume, alors fort en retard sur le second. La cour d'Édimbourg fait piètre figure, comparée à celle de Paris. La grande affaire, à propos de cette jeune veuve, est forcément celle de son remariage, conditionnant l'avenir de la dynastie. Sur qui la souveraine va-t-elle jeter son dévolu ? Sur un sien cousin, de trois ans plus jeune qu'elle : Marie brûle d'un amour incandescent pour le beau Henry Stuart, lord Darnley, qu'elle épouse à Holyrood, le 29 juillet 1565. Hélas pour elle, l'impétueux Henry va se révéler vaniteux et brutal. Et infidèle jusqu'à la débauche. Un fils va leur naître tout de même, qui deviendra bientôt Jacques VI d'Écosse, avant de succéder un jour, sur le trône d'Angleterre, à Élisabeth Ire ! En attendant, le ménage royal tourne vite au fiasco. D'une jalousie sordide, Henry va jusqu'à assassiner, sous les yeux de la reine, un secrétaire italien qu'il soupçonnait d'être son amant.
Comment s'étonner, dans ces conditions, de l'attentat qui lui coûta la vie en février 1567, alors qu'il se soignait de la variole à Kirk o'Field, chez un ami ? Très vite, la rumeur publique accuse la reine d'avoir commandité ce mauvais coup, faisant d'elle la complice d'un certain Bothwell, rencontré jadis, en France… De tels soupçons seraient moins crédibles si Marie ne décidait, trois mois plus tard, d'épouser au grand jour le fameux Bothwell ! On peine à imaginer l'ampleur du scandale. Secouée dans ses fondements, l'Écosse se divise en deux camps – plus ou moins la noblesse protestante contre le peuple catholique – et verse dans un conflit fatal au nouvel époux de Marie : exilé au Danemark, il y finira ses jours au cachot.
Quant à la reine, arrêtée sur ordre de sa propre noblesse, emprisonnée au château de Lochleven, elle subit encore une fausse couche, qui lui fait perdre des jumeaux. Et le 24 juillet de cette année 1567, si terrible pour elle, elle est contrainte par Moray d'abdiquer en faveur de son fils, encore dans les langes. Celle que ses partisans continueront d'appeler « la Rose d'Écosse » n'est donc plus rien officiellement… L'année suivante, elle parvient à s'évader, lève un semblant d'armée et court se réfugier en Angleterre, chez la reine Élisabeth Ire – autant se jeter dans la gueule du loup.
Dans un premier mouvement, Élisabeth se montre secourable envers sa cousine – Marie est la petite-fille de sa tante Marguerite Tudor ; mais assez vite, prétextant de l'implication probable de la fugitive dans le meurtre de son deuxième mari, elle la fait mettre en résidence surveillée. La vérité, c'est qu'aux yeux de la « Reine vierge » Marie Stuart fait figure de rivale. Et que des motifs politiques vont la maintenir dix-huit ans derrière les barreaux ! Walsingham, chargé de la police, est sans doute le plus machiavélique des conseillers d'Élisabeth. Les années passant, il se met à plaider en faveur de la suppression pure et simple de la captive. Marie souffre, il le sait, de la solitude ; elle ne rêve que de contacts avec le monde extérieur – pourquoi ne pas faire vibrer cette corde en elle ? En janvier 1586, comme par l'effet d'un relâchement subit dans la surveillance qui l'accable, l'ancienne souveraine reçoit un paquet de lettres. Discrètement, cela va de soi : les missives ont été dissimulées dans la bonde creuse d'un tonneau de bière.
La reine communique avec ses nouveaux complices par le truchement d'un code secret. Celui-ci ne résiste pas aux efforts acharnés d'un décrypteur nommé Thomas Phelippes. De sorte que, bientôt, les services de la Couronne liront à livre ouvert dans la séditieuse correspondance de l'imprudente. Le 17 juillet 1586, Marie accepte expressément le complot : elle ne peut savoir que, ce faisant, elle signe son arrêt de mort. Maître du code, Phelippes lui a demandé, les noms des six gentilshommes « devant accomplir son dessein ». Tout est prêt, maintenant, pour un coup de filet spectaculaire… Il ne faudra pas longtemps pour que Babington, premier recherché, se retrouve, avec les six autres, sous les verrous, et paie de sa vie – au terme d'effroyables tortures infligées en place publique – une fidélité trop zélée.
Les charges contre Marie Stuart seraient par ailleurs bien suffisantes ; mais Wasingham entend mettre toutes les chances de son côté, aussi organise-t-il une fausse évasion pour que sa mauvaise foi soit démontrée. C'est au château de Fotheringhay, dans le nord-est de l'Angleterre, qu'est mené le grand procès de la conjurée. Qui, calme et assurée, commence par nier tout en bloc. Comment la souveraine déchue saurait-elle que son code a été déchiffré et que ses accusateurs possèdent, de sa main, des aveux accablants ? La « non-demande » de grâce à la cousine Élisabeth comprendra des accents touchants : « Madame, je rends grâce à Dieu de ce qu'il lui plaît de mettre fin […] au pèlerinage ennuyeux de ma vie. Je ne demande point qu'elle me soit prolongée […]. Je supplie seulement Votre Majesté que […] je puisse tenir de vous et de nulle autre les bienfaits qui s'ensuivent […]. » Marie demande à être enterrée en France, à être exécutée publiquement pour qu'on ne puisse douter de sa foi et, enfin, que ses serviteurs ne soient pas abandonnés. Elle ne sera que très partiellement exaucée
Le 8 février 1587, devant plus de 300 personnes massées dans la grande salle de Fotheringhay, Marie Stuart, ancienne reine d'Écosse, reine douairière de France, est décapitée. Son courage éblouit l'assistance. Le bourreau, maladroit, a dû s'y reprendre à trois fois. « Loué soit Dieu, avait-elle lâché en apprenant la sentence, vous me faites un grand bien de me retirer de ce monde !
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