19 février 1788, fondation de la Société des amis des Noirs,
février 19, 2024 | by Jean-Claude JUNIN
19 février 1788, fondation de la Société des amis des Noirs, première association française abolitionniste.
La Société des amis des Noirs est une association française créée le 19 février 1788 qui avait pour but l'égalité des Blancs et des hommes de couleur libres dans les colonies, l'interdiction immédiate de la traite des Noirs et progressive de l'esclavage ; d'une part dans le souci de maintenir l'économie des colonies françaises, et d'autre part dans l'idée qu'avant d'accéder à la liberté, les Noirs devaient y être préparés, et donc éduqués.
Cette association fut fondée par Jacques Pierre Brissot, Étienne Clavière et l'abbé Grégoire, avec un système d'élections trimestrielles. Plusieurs présidents se sont succédé, parfois durant plusieurs mandats, mais jamais de manière consécutive : Jacques Pierre Brissot, Étienne Clavière, Condorcet et Jérôme Pétion de Villeneuve.
Le Club de l'hôtel de Massiac, fondé par de riches colons de Saint-Domingue et des Petites Antilles, fut son principal adversaire concernant l'abolition de l'esclavage dans les colonies.
Première association française abolitionniste, cette Société est créée le 19 février 1788, jour où elle tient ses premières résolutions lors de sa séance inaugurale au n° 3 rue Française chez Jacques Pierre Brissot.
Cette société a pour modèle une société créée au Royaume-Uni un an plus tôt, la Society for Effecting the Abolition of the Slave Trade (Société pour l'abolition du commerce des esclaves) dont Thomas Clarkson, un des cofondateurs, invite Jacques Pierre Brissot à une des réunions.
Elle adapte le médaillon créé par Josiah Wedgwood pour la société abolitionniste londonienne en 1787, et traduit sa devise : « Ne suis-je pas un homme ? Un frère ? »
En 1789, cette société compte 141 membres, dont des personnalités telles que Mirabeau, Condorcet, La Fayette, l'abbé Henri Grégoire, l'abbé Sieyès, le duc de La Rochefoucauld-Liancourt, Louis Monneron, et Jérôme Pétion de Villeneuve. Le mouvement abolitionniste ne se réduisait cependant pas à la Société des amis des Noirs. Contrairement à ce qui s'est souvent dit, Robespierre n'en fit jamais partie, pas plus qu'Olympe de Gouges,
Société élitiste, de programme « modéré » et gradualiste, elle mena une activité de publications, de traductions, d'interventions auprès de l'administration et du gouvernement, d'abord contre la traite des Noirs, puis pour l'égalité des droits des métis libres. Elle fut initialement mise en échec dans ces initiatives par les colons de Saint-Domingue et leurs représentants, notamment Antoine Barnave, regroupés à Paris dans le Club Massiac, riches en moyens et réseaux de relations, puissants à la cour, dominant la Constituante, puis la Législative à ses débuts. Elle contribua cependant à la popularisation des idées antiesclavagistes, en France et dans les colonies, et participa au renforcement, dans la conscience de nombreux Noirs et métis, de la légitimité de leurs droits d'hommes, et de celle de leurs luttes. Ainsi, face aux difficultés rencontrées pour faire avancer ces idées, certains Amis des Noirs, tel l'abbé Grégoire, se sont exprimés en ce sens en septembre 1791 au Club des jacobins.
Les membres de la Société furent néanmoins très vite absorbés par les activités administratives et ministérielles, particulièrement à partir du ministère Girondin, et l'activité de la Société déclina. En mars 1792 ce ministère girondin en la personne notamment de Clavière parvint à convaincre Louis XVI de sanctionner le 4 avril 1792 le décret législatif du 24 mars consacrant l'égalité des Blancs et des hommes de couleur libres.
Penchant politiquement dès 1790 vers les Girondins, la Société des amis des Noirs qui avait tant fait pour déshonorer l’esclavage et disqualifier l’argumentation colonialiste dominante montra les limites de ses orientations modérées, fidèle à sa recherche d'une abolition progressive et du soutien des colons, alors que ses principaux membres étaient arrivés au gouvernement. Elle choisit de tenter de réprimer l'insurrection des esclaves, préférant accorder la pleine qualité de citoyens aux seuls hommes libres de couleur. Mais elle fut très vite dépassée, et par le sort politique des Girondins, et par la rapide évolution de la situation politique en France et à Saint-Domingue, qui aboutit à la proclamation de l'abolition de l'esclavage par la Convention montagnarde et le Comité de salut public le 4 février 1794.
Par ailleurs, dès sa création et même après sa disparition (vers l'automne 1791) elle fut rendue responsable, par ses informations, des révoltes et agitations des esclaves à partir de 1789. Elle fut dénoncée par les partisans de l'esclavage et de la colonisation, jusqu'à la seconde et dernière abolition de l'esclavage dans les colonies françaises, d'être cause principale du soulèvement des esclaves de Saint-Domingue en août 1791, et de la perte de la colonie. Accusations maintes fois renouvelées dans la première moitié du XIXe siècle. Elle fut également accusée par les colons et les armateurs d'être aux mains des Anglais pour affaiblir la France.
Cependant, aux côtés d'Olympe de Gouges, et pendant plus de trois ans, ses membres furent presque seuls à se préoccuper de ces questions et, de ce fait, se montrèrent plus avancés sur le sujet que nombre de révolutionnaires jacobins ou cordeliers. En mars 1790, Mirabeau prononce au club des Jacobins un discours resté longtemps inédit contre la traite des noirs. Il y emploie, pour désigner les navires négriers, l'expression « bières flottantes ».
Source : Société des Amis des Noirs et des colonies, Jean-Antoine-Nicolas de Caritat de Condorcet, Réglemens de la Société des amis des noirs, (œuvre littéraire), 1789. Suivi d'un Tableau des membres de la Société des amis des Noirs. Année 1789.
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